L'importance de l'après cession pour l'entreprise et pour le cédant


Par Gilles LEVY, GL Consultant
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Gilles LEVY GL Consultant
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L'importance de l'après cession pour l'entreprise et pour le cédant

L'après cession se prépare avant!


Préparer la transmission pour l'entreprise c'est avant tout la préparer pour les hommes et les femmes qui la composent.
Se préparer, se laisser le temps de la réflexion pour le choix du repreneur, faciliter son intégration auprès de tous et pour la pérennité de l'entreprise.
Combien de temps faut-il à un repreneur pour liquider une société?
Très provocatrice, cette question vaut la peine d'être posée au regard de ce qui arrive parfois.

Je pense à ce repreneur hautement qualifié en matière de gestion, disposant d'un capital de départ conséquent et se préparant à reprendre une entreprise industrielle (métallurgie) d'une vingtaine de personne. L'audit avait révélé des gains de productivité potentiels du fait d'une organisation générale de la production ancienne mais qui laissait l'entreprise attractive. Ayant négocié avec le cédant un départ immédiat, il s'est appliqué dès la première semaine à mettre l'ensemble de l'entreprise en coupe réglée, englobant dans un mouvement ample tous les services, de la comptabilité à l'atelier de production. Dans les semaines qui ont suivi, le responsable de production est parti à la concurrence avec 4 des meilleurs éléments. L'entreprise a été liquidée en 8 mois.

Au-delà de l'anecdote - qui a cependant coûté cher - c'est cette composante humaine qu'il faut prendre en compte. Le cédant ne peut et n'est jamais totalement insensible au devenir de son ancienne entreprise. Il en va aussi de son positionnement social. Même si la faute en revient de facto au repreneur, si la société est rapidement en difficulté après la cession, le cédant s'y voit prendre directement ou indirectement une part de responsabilité.

"Il n'a pas tout dit"; "il a vendu au bon moment!"; "On savait l'entreprise en fin de course... mais à ce point!".

Autant de petites phrases assassines, inévitables mais qui perturbent, alors que le cédant est entré dans une nouvelle aventure.

Le choix du repreneur, pour la pérennité de l'entreprise, mais aussi pour soi-même est un élément important.

Vaste sujet que la préparation de la transmission pour soi-même!

C'est aussi un sujet délicat. Vaste, parce qu'il recouvre de nombreux domaines : la famille, le temps de vie, les amis, le relationnel professionnel, l'argent de la vente.... Délicat car devant être abordé en amont de la cession et donc en parallèle de la préparation de la transmission de l'entreprise elle-même. Cette décision, n'est pas neutre dans le comportement au quotidien. Bien préparer son avenir est indispensable mais il ne faut pas que des comportements incidents viennent compromettre la finalisation de la transmission.

UN PROJET

Transmettre c'est avant tout un projet.

Sur le plan technique, la cession va créer des flux financiers qu'il va falloir gérer, sur le plan juridique, fiscal mais aussi pour améliorer sa retraite ou réaliser des "rêves" ou des envies jusque-là restées dans la tête ou les tiroirs.

C'est aussi et surtout un projet de vie. L'appropriation de l'idée d'une autre vie tout aussi dense mais différente. Le temps cette fois est un allié dans la préparation.

Un projet financier

Le projet, sur le plan financier, est un faux ami. Comment, me direz-vous, ce n'est pourtant pas bien difficile de comprendre que je vais disposer d'un capital intéressant et que je vais l'utiliser au mieux! Où est le faux ami?

Ce n'est pas l'utilisation de ce capital qui pose problème mais l'idée même que l'on se fait du montant de ce capital. La cession d'une entreprise, même si ce n'est pas un acte de vente ordinaire, reste le produit d'une négociation. Se fixer un prix, consciemment ou inconsciemment, et construire un projet autour de l'utilisation de ce capital, à ce niveau de prix, peut interférer sur la cession.

C'est bien ce qui a mené à l'impasse M. C. Dès le début, il s'était imaginé - grand négociateur parmi les négociateurs - que le haut de la fourchette d'évaluation de son entreprise de nautisme n'était pas seulement accessible, mais un minimum. Echaffaudant un vaste projet d'investissement pour "préparer ses vieux jours" il n'avait de cesse de dire que ce prix était immuable. Certains diront que c'est une erreur grossière et que l'évidence est de se préparer à la négociation la plus haute mais d'être prévoyant quand au projet financier qui en résulte. C'est de la bonne gestion, nous en sommes d'accord. Mais psychologiquement, le fait de disposer d'un capital disponible élevé, induit obligatoirement une transformation dont il faut être conscient. La démarche personnelle sur ce plan n'est pas évidente. A fortiori quand l'environnement immédiat (famille, amis...) laisse à penser que dans l'histoire c'est le repreneur qui pourrait bien faire "la bonne affaire". On n'est jamais seul dans cette aventure.. Rappelez-vous : "protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge!"

Un projet de vie

Il n'est pas ici question de débattre sur la préparation à la situation de retraité, tant enviée par les actifs et tant redoutée quand l'heure a sonnée.

La question est plutôt liée à la situation de chef d'entreprise, à son fonctionnement au quotidien et à la place qu'il octroie ou concède en dehors et à coté de l'entreprise à d'autres activités.

C'est évidemment pour le dirigeant un changement profond. Changement de rythme, bien sûr, mais aussi changement de centres d'intérêts, changement de statut et de positionnement social. Il faut s'y préparer.

Mais il faut aussi préparer et s'y préparer avec son immédiat entourage. J'ai souvenir de ces confidences de cédant s'interrogeant sur l'accueil que lui fera sa femme au quotidien, elle qui ne le voyait quasiment jamais et qui maintenant allait "l'avoir dans les pattes" toute la journée. Ce n'est ni une boutade ni une plaisanterie.

Je pense à cet autre qui, ayant très bien négocié la cession n'a pas su négocier son "retour à la vie" - disait-il - et qui a sombré dans la dépression pendant deux longues années. L'impréparation à cette situation était due à son caractère fort et entier. En activité, il ne comprenait pas qu'on ne puisse surmonter quelques "moments de faiblesse".

"Je sais maintenant que ça n'arrive pas qu'aux autres" disait-il.

Ne noircissons pas le tableau exagérément. Fort heureusement de nombreux anciens chefs d'entreprise coulent des jours heureux, souvent avec des activités enrichissantes et très impliqués dans le monde économique. Mais c'est une dimension de l'opération de transmission à ne pas négliger.

Un état d'esprit

Dans les faits, il s'agit évidemment d'un état d'esprit.

Certains l'avouent, pour eux, se retirer ou partir de l'entreprise "c'est une petite mort". Ces gens-là ne sont pas vendeurs.

Je connais bien une entreprise familiale de négoce dont l'actuel dirigeant va sur ses 73 ans. Fier, dans la lignée familiale, il a pris les reines de l'entreprise à 54 ans alors que son père entrait dans sa 81éme année. Il n'a pas de successeur désigné, les enfants installés dans d'autres métiers ayant décliné l'offre, et l'entreprise est apparemment à vendre. Les derniers repreneurs en date n'ont pas finalisé, se heurtant à des clauses immobilières ineptes qui bloquent systématiquement la négociation.

C'est un état d'esprit. Un chef d'entreprise est avant tout un créateur, un homme de projet. Ce n'est pas une petite mort mais un autre chemin.

Construire, encore et toujours, pour soi, pour sa famille, pour les autres. Avec d'autres contraintes peut-être mais différentes, une pression au quotidien moindre. Un autre chemin où l'envie doit être reine.

LES BONNES QUESTIONS

Il y a une multitude de questions à se poser quand on se prépare à transmettre son entreprise mais il y a surtout quelques questions incontournables.

- Est-ce que je suis prêt à transmettre? Elle est personnelle, intime et fondamentale. Être prêt c'est avoir cette notion du bon timing, de l'état d'esprit indispensable pour passer à l'action.

- Quels sont mes réseaux pour trouver un repreneur? Question délicate puisqu'il faut être efficace et discret à la fois en externe comme en interne, ne pas annoncer trop tôt la décision, se donner le temps de choisir le repreneur.

- Quel profil de repreneur je souhaite? Il n'est pas immuable mais c'est une sorte de cahier des charges qui peut évoluer mais s'articule autour de deux éléments : j'ai envie, je n'ai pas envie.

- Quels délais je me donne? Il n'y a pas de règle absolue mais un temps trop long ou trop court n'est pas un gage de succès.

- S'il y a accompagnement, pendant combien de temps? Ce temps conditionne l'intégration du repreneur et la sortie douce du cédant. Il faut se fixer des bornes et des règles de conduites et les annoncer.

- Quel est mon projet? Ce n'est pas au lendemain de la vente qu'on s'en préoccupe mais en parallèle de l'opération de transmission. Le projet n'est pas une vue unilatérale mais doit embrasser tout son environnement, familial et relationnel.

- Comment vais-je utiliser le produit de la vente? C'est un aspect incontournable du projet et il conditionne aussi l'opération à venir et l'installation dans une nouvelle vie.

Enfin, sur le plan personnel, une règle fondamentale à laquelle on ne doit pas déroger : NE PAS SE MENTIR.

Pour en être arrivé là, le cédant sait que cette intégrité intellectuelle et affective est une force. À l'aube d'un nouveau parcours, il ne doit pas s'en écarter: il en va de sa survie!